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En arrivant sur ma nouvelle mission j’ai rapidement été interpellé par le vocabulaire utilisé par les chefs de projets : « il faut mettre de la valeur dans les jalons », « quelle est la valeur dans ce que nous sommes en train de mettre en place ? », je voyais ce terme de valeur très présent et je me suis dis qu’il fallait que je me mette rapidement à niveau.

Après quelques recherches, je commençais à en savoir plus, j’ai découvert les concepts d’innovation frugale et de Jugaad et tout l’intérêt de ces approches dans la recherche d’innovation.

À l’heure où les projets sont de plus en plus entravés par des contraintes en matière de budget, de temps, de gestion et de ressources humaines, le chef de projet doit répondre à des demandes imprécises, parfois hautement technologiques et complexes émanant de clients bien informés et sensibles au prix et à la qualité.

Alors c’est quoi le Jugaad ?

On pourrait appeler ça « Faire mieux avec moins ». On parle de « Gambiarra » au Brésil, de « Zizhu Chuangxin » en Chine, de « Tigueraje » en République Dominicaine, ou encore de « Système D » en France. Ce mot hindi désigne une ingénieuse solution de fortune, un nouveau concept qui a été popularisé par le livre « L’innovation Jugaad, redevenons ingénieux ! » de Navi Radjou et qui présente les réalisations d’entrepreneurs des pays en développement afin d’inciter les entreprises occidentales à suivre le mouvement.

En quoi l’innovation Jugaad est-elle pertinente dans un contexte occidental ? Car en Europe, et en France en particulier, il est impératif pour les entreprises de faire preuve d’agilité et de frugalité vu qu’elles sont confrontées coût du travail et à la rareté de ressources. Les entreprises françaises doivent donc apprendre à créer plus avec moins et surtout à trouver des opportunités dans l’adversité. C’est une opportunité pour elles de rester compétitives durant cette période de grands bouleversements socio-économiques et technologiques que nous traversons.

Selon l’auteur le Jugaad est « une conception humaniste et humanisante de l’innovation ». Elle trouve son inspiration dans les pays émergents, particulièrement en Inde où des centaines de milliers d’entrepreneurs conçoivent des solutions très simples mais efficaces, en s’appuyant sur des ressources très limitées.

Implanter le Jugaad sur les projets

Le Jugaad est un processus d’innovation qui doit apporter une valeur à l’entreprise et à la société. A chaque étape de projet, il s’agit donc de s’interroger sur la création de valeur, à la fois par rapport aux problèmes rencontrés mais aussi par rapport aux solutions envisagées. Les entreprises doivent « faire plus avec moins », en intégrant la rareté des ressources et les bénéfices potentiels.

Le Jugaad repose sur six principes fondamentaux :

  • Rechercher des opportunités dans l’adversité
  • Faire plus avec moins
  • Penser et agir de manière flexible
  • Viser la simplicité
  • Intégrer les marges et les exclus
  • Suivre son coeur

Pour que ça fonctionne, le Jugaad doit être poussé par le top management, car il demande un changement des mentalités. Il nécessite de penser la stratégie sur le long terme. Cela commence avec le personnel de l’entreprise qui doit être responsabilisé dans cette démarche en l’incluant dans la rémunération et les objectifs par exemples.

Les personnes les plus armées pour mettre en place le Jugaad sont les personnes qui pensent la contrainte et l’adversité comme une opportunité. En gros, celles qui réfléchissent d’abord en partant du problème pour trouver une solution.

En France, l’ENSCI (École nationale supérieure de création industrielle) travaille à un projet de nettoyage de la mer suite à une marée noire dans un esprit très proche de l’innovation frugale. Aux États-Unis, un cours de Stanford a de plus en plus de succès : il s’agit d’y concevoir des produits très innovants à très faible coût avec des matériaux simples, économiques, non polluants et facilement accessibles. Ils ont ainsi imaginé un incubateur pour bébé à 2% du prix de ceux actuellement sur le marché !

Selon la Banque mondiale, si l’Inde était capable de propager cette pratique, son PIB pourrait encore augmenter de 2 à 3%. Ce système différencié ne fonctionnera que s’il est partagé. Sam Pitroda, président du National innovation council, est en train de bâtir un réseau informatique qui va permettre de disséminer les bonnes pratiques en ce qui concerne par exemple la gestion de l’eau ou la santé dans tout le pays. C’est un projet crucial qui peut changer l’avenir et les perspectives de ce pays dans les prochaines années.

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