Airbus A380 vs Spaghettis

Nous confondons souvent ce qui est compliqué avec ce qui est complexe, alors que ces deux notions obéissent à des logiques très différentes. Un système compliqué peut être maîtrisé avec des outils, des plans et des procédures.
À l’inverse, un système complexe implique de l’incertitude, du vivant, et donc une part d’imprévisibilité.
C’est cette différence qui rend la conduite du changement si délicate : elle ne se pilote pas comme un projet technique. Pour réussir une transformation, il faut avant tout comprendre et accepter la nature profondément humaine, mouvante et contextuelle du changement.
COMPLEXE OU COMPLIQUE ?
Dans Les 10 commandements de la confiance, Hervé Sérieyx utilise une métaphore savoureuse pour illustrer un malentendu fréquent dans le monde professionnel : il oppose un Airbus A380 à un plat de spaghettis pour expliquer la différence entre ce qui est compliqué et ce qui est complexe.
Un Airbus A380 est un chef-d’œuvre d’ingénierie. Il est extrêmement compliqué, car il mobilise des milliers de pièces, d’interconnexions, de compétences, de protocoles et de normes. Mais, une fois le plan établi, il est possible de le reproduire à l’identique, de manière maîtrisée et prévisible. On est ici dans le monde de la technique, de l’ordonnable, du maîtrisable.
Un plat de spaghettis, en revanche, est complexe. Lorsque vous essayez d’en saisir quelques brins avec une fourchette, vous ne savez jamais à l’avance ce que vous allez attraper, ni comment ils vont se comporter. Chaque tentative donne un résultat légèrement différent. Vous pouvez vous entraîner pendant des années : aucun geste ne sera jamais parfaitement reproductible. Voilà toute la différence : le monde du compliqué est ordonné ; celui du complexe est vivant, fluctuant, et souvent imprévisible.
LE CHANGEMENT : UNE REALITE COMPLEXE
Cette distinction est précieuse pour comprendre pourquoi la conduite du changement échoue parfois quand elle est abordée avec des outils inadaptés. On confond souvent les deux mondes : on croit que le changement se pilote comme un projet technique, qu’il suffit de suivre un plan, une feuille de route, un calendrier, pour que tout fonctionne.
Mais le changement organisationnel est rarement simplement compliqué. Il est profondément complexe, car il met en jeu des êtres humains, des valeurs, des émotions, des cultures, des rapports de pouvoir, des interprétations subjectives. Et tout cela, aucun logiciel ne peut le prédire, aucun plan ne peut l’anticiper totalement.
Il ne s’agit pas de renoncer à toute méthode. Au contraire, l’anticipation est essentielle. Mais il faut accepter que l’on ne contrôle pas tout. Il faut renoncer à l’illusion d’un pilotage parfait, et se préparer à l’imprévu, à l’adaptation permanente.
SAVOIR S’ADAPTER PLUTOT QUE DE SUIVRE UN PLAN A LA LETTRE
La première leçon, c’est que tout ne se passera jamais comme prévu. Et c’est normal. Cela ne signifie pas que vous avez mal préparé votre projet. Cela signifie que vous avez affaire au réel.
L’enjeu, pour un chef de projet ou un pilote de changement, n’est donc pas d’exécuter un scénario figé, mais de faire preuve d’agilité, de savoir bifurquer rapidement, de réagir avec lucidité et créativité aux signaux faibles ou aux résistances inattendues.
La capacité d’un leader du changement ne se mesure pas à sa rigueur d’exécution, mais à sa faculté à naviguer dans l’incertain, à faire face aux imprévus avec calme et discernement.
CHAQUE CONTEXTE EST UNIQUE, CHANQUE CHANGEMENT L’EST AUSSI
Autre conséquence majeure : le changement n’est jamais reproductible à l’identique. On peut avoir vécu une transformation similaire dans une autre entreprise, dans un autre service, sur un autre projet… mais vouloir appliquer exactement la même recette est une erreur fréquente.
Le « copier-coller » managérial ne fonctionne pas dans le monde du complexe. Ce qui a fonctionné hier peut échouer demain, parce que les contextes sont différents, les équilibres internes ne sont pas les mêmes, les équipes n’ont pas les mêmes histoires, ni les mêmes sensibilités.
C’est pourquoi il est essentiel de s’adapter au terrain. Cela demande de l’écoute, de l’observation, une vraie intelligence contextuelle. Ce n’est pas parce qu’on « a déjà fait » qu’on « sait ». Chaque démarche doit être conçue en réponse à un environnement spécifique.
Conduire le changement, c’est penser comme un jardinier, pas comme un ingénieur
Plutôt que de penser le changement comme un plan industriel, pensons-le comme un processus organique. Il ne s’agit pas d’assembler des pièces, mais de cultiver un environnement, de faire pousser des comportements nouveaux, d’entretenir la confiance, de répondre au vivant avec du vivant.
Un changement réussi ne se pilote pas seulement avec des outils, mais avec du discernement, de l’écoute, de la patience, de la souplesse et de l’humilité.


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