En interrogeant un premier maçon sur un chantier au sujet de son travail, celui-ci répond « j’assemble des pierres »,
Un second maçon, à la même question, répond « je construis un mur »,
Un troisième, rétorque « je construis une cathédrale ».
Trois personnes faisant exactement le même travail, trois perceptions différentes, trois visions que l’on présente volontiers comme étant de la plus opérationnelle à la plus noble.
Pour piloter le changement, une des clés est d’en définir puis ensuite d’en communiquer une vision claire. Et souvent, cette vision englobe le sens donné aux changements dans le travail même des équipes.
La vision du changement est présentée à l’un ou l’autre niveau, ou tous combinés, en fonction des publics et des objectifs visés :
– niveau opérationnel (assembler des pierres, que l’on considère comme le dénominateur commun à toute construction),
– niveau métier (comment construire un mur, somme des opérations d’assemblage)
– niveau d’accomplissement ou niveau lié au sens (notre fameuse cathédrale),
On peut également, en atelier par exemple, avoir recours à ces trois niveaux pour vérifier leur alignement.
Alors que les cathédrales d’hier étaient construites pour durer, les projets de changement d’aujourd’hui ne sont pas unitairement des finalités, mais bien autant de pierres malléables vouées à former un édifice qui se réinventerait en continuité.
Alors, dans ce contexte, donner du sens au changement, est-ce que cela a-t-il encore vraiment…un sens ?
Si le sens se confond avec l’orientation souhaitée par l’organisation ou la poursuite des quelques valeurs mises en avant, il en va tout autre des intérêts, parfois divergents, des différents participants. Alors oui, même si les changements sont de plus en plus rapprochés, que le périmètre global de l’ensemble des projets prend la dénomination de transformation, il y a toujours de la place pour parler du « sens ». Ne serait-ce que pour fédérer, impliquer les collaborateurs.
Les conséquences d’un changement perçues par les collaborateurs n’ont pas toujours que du bon. De son point de vue, il peut, selon le contexte, perdre des responsabilités, voir une partie de son travail s’automatiser et s’orienter vers davantage de contrôle que d’exploitation. Bref, voir l’intérêt de son travail et ses propres intérêts s’amoindrir.
Pour reprendre notre exemple du maçon, si le sens donné au métier est de « construire des murs plus solides », certains pourront voir plus ou moins d’intérêt à utiliser du béton armé plutôt que des briques, que ce soit pour des questions de beauté du geste, de technique, d’esthétique, du sentiment du devoir accompli ou toute autre perception personnelle.
Encore ne faut-il pas se contenter de « donner de l’intérêt », mais de le co-construire, de favoriser son développement pour chacun. Et cela passe aussi par donner envie.
Ainsi, les deux notions paraissent à la fois complémentaires et essentielles dans les phases de construction de la vision, puis de communication de cette vision, pour tenir compte à la fois de l’alignement du sens donné au changement et de l’évolution des intérêts de chaque public concerné.